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Entretien avec...

Nicolas BLONDEAU

Fondateur d'une Ecole d'équitation éthologique reconnue par la FFE, Nicolas Blondeau a écrit "Le débourrage par la méthode Blondeau", publié chez Belin en 2003, méthode de débourrage originale codifiée après avoir démarré des centaines de jeunes chevaux de toutes races. Agréé comme formateur de la discipline " Equitation éthologique ", il est installé à Saumur où il dirige depuis mai 2005, l'Ecole Blondeau. Il a reçu en 2006 la médaille de vermeil de l'Académie d'agriculture, qui récompense " des responsables de travaux récents et encore peu connus".

Bernard CHIRIS
Bonjour Nicolas Blondeau. Nous avons un site auquel s'intéressent plus particulièrement les cavaliers de dressage. Pouvez vous définir pour eux ce que l'on appelle l'équitation éthologique, bien que je sache que vous ayez une acceptation de ce terme qui vous est propre.

Nicolas BLONDEAU
Merci de me recevoir. Pour moi, l'équitation éthologique est d'abord et uniquement de l'équitation fondamentale qui s'adresse aux cavaliers d'abord. Il s'agit de former d'abord les cavaliers en s'intéressant aux fondamentaux de l'équitation qui n'ont pas été traités.
On entend par fondamentaux les aides du cavalier, les mains, les jambes, qui ne sont en aucun cas un moyen de tenue, mais aussi l'assiette. Donc, tout ce qui concerne les aides du cavalier dans un premier temps, et l'esprit qui va avec, puisque l'esprit dans lequel on intervient, dans lequel on réagit avec un cheval, doit être le même pour tout le monde.

Bernard CHIRIS
Je sais que vous vous intéressez particulièrement au débourrage, aux techniques de débourrage. On parle de méthode Blondeau. Comment abordez-vous le débourrage d'un cheval ?

Nicolas BLONDEAU
Moi, j'ai eu la chance de codifier quelque chose qui ne l'avait pas été, la chance de retrouver ce que nos ancêtres faisaient et la façon dont nos ancêtres débourraient les chevaux.

Je l'explique de la façon suivante : seuls les militaires ont travaillé, seuls les militaires ont codifie une méthode dite traditionnelle de débourrage, basée sur le travail a la longe. Il faut savoir qu'ils avaient un effectif nombreux. Cet effectif était constitué par la troupe, par des gens qui n'avaient pas tous évolué dans le milieu des chevaux. Et ils ont mis en place cette pratique de travail à la longe qui permettait aux hommes et aux chevaux de s'apprivoiser mutuellement. Il faut savoir aussi que la période de débourrage était étalée sur un an, divisée en quatre périodes de trois mois. Les civils que nous sommes se sont emparés de cette méthode qui était donc la seule à être codifiée, et on la pratique depuis des dizaines d'années sur deux ou trois semaines, voire moins. La plupart des chevaux s'y font, mais quelques chevaux, notamment les meilleurs, ceux qui ont beaucoup de caractère et beaucoup de sang, acceptent difficilement cette période écourtée. Et pour ce faire, il suffit de s'en rendre compte en voyant les problèmes que posent certains chevaux de qualité certaine. C'est ces chevaux là qui m'ont aidés à comprendre que ce n'était pas du tout la façon dont on devait les débuter, et nos ancêtres avaient certainement une pratique très proche de la méthode que j'ai eu la chance de codifier.

Bernard CHIRIS
Concrètement, comment abordez-vous ces premières séances de débourrage ?

Nicolas BLONDEAU
Il faut savoir que dans le débourrage, une difficulté subsiste de la part du cheval, la peur de l'homme, et du côté de l'homme, l'appréhension des réactions du cheval. Ce sont ces deux difficultés qu'il faut surmonter. Par conséquent, il s'agit donc de mettre le cheval en confiance. Pour ce faire, on procède à plusieurs manipulations qui suivent une progression logique, à savoir l'incurvation de l'encolure de part et d'autre, la flexion des postérieurs ensuite, et enfin la troisième manipulation et non la moindre, soumettre le cheval à la traction. Tous les chevaux devraient être soumis àla traction. Les chevaux qui ne sont pas soumis à la traction peuvent se soustraire à un moment ou l'autre à l'autorité de l'homme: ils tirent au renard, ou vont tirer au renard! La seule chose qu'on nous ait dite est de ne pas regarder le cheval, de ne pas tirer dessus. Au contraire, il faut tirer dessus! Mais bien évidemment, il faut céder immédiatement quand vous vous exposez à un retour de poids.

Bernard CHIRIS
Vous parlez de périodes très longues utilisées autrefois pour le débourrage. Vous proposez cependant une période courte, voire très courte, pour le débourrage. Pensez-vous que cela soit à la portée d'un cavalier de club moyen ? Je ne doute à aucun moment qu'avec votre expérience vous puissiez le faire, mais pensez-vous que cela soit abordable par le cavalier moyen après un stage?

Nicolas BLONDEAU
Je pense surtout qu'il est hors de question de prétendre dresser si on n'est pas dressé soi-même. Cette progression et cette méthode sont parfaitement transmissibles. Je forme des élèves qui après une formation de 6 à 8 semaines, de 6 à 12 semaines dans les formations les plus longues, sont capables de faire ce que je fais. Il ne s'agit pas d'aller vite. Je trouve que la rapidité de la méthode est rendue possible par la justesse des moyens employés. Pourquoi va-t-on vite? Parce que les chevaux se laissent faire!

Bernard CHIRIS

C'est d'ailleurs ce que l'on retrouve tout au long de la vie du cheval, tout au long de son dressage. On ne peut donc se prétendre éthologue sans une solide éducation équestre! Beaucoup l'oublient...on ne pas forme les cavaliers en quelques jours ou sur quelques stages!

Nicolas BLONDEAU
A mon sens, c'est l'état d'esprit dans lequel on pratique. Cet état d'esprit là est universel. Mais les sensibilités elles, sont différentes. La progression elle-même permet de passer tous les chevaux et de les amener à un stade de dressage stabilisé, quel que soit son caractère, son sang, sa race, ses antécédents. A la fin de la progression, tous les chevaux sont amenés à un même niveau de dressage stabilisé. Si l'on veut bien admettre que tout vient de l'homme, il faut par voie de conséquence d'abord de former les hommes.

Bernard CHIRIS
Je suis tout à fait en accord avec vous. L'essentiel pour l'homme n'est-il pas d'avoir une juste appréciation de son niveau, de ses qualités et de ses défauts, de ses lacunes? L'homme doit s'estimer à sa juste valeur et avoir confiance en lui. Or beaucoup de gens, qui s'avèrent aussi être des cavaliers, sont mal dans leur peau. C'est là une source d'échec, ou un parasitage dans la relation avec le cheval que l'on ne peut absolument pas négliger. Ne faudrait-il pas d'abord obtenir du cavalier qu'il travaille aussi sur lui-même ?

Nicolas BLONDEAU
Comme je l'ai dit, on ne peut pas prétendre dresser si l'on n'est pas dressé soi-même. Il va sans dire qu'il faut d'une part être convaincu des moyens que l'on emploie, et par voie de conséquence, agir sans à priori, et surtout en prenant le temps d'exécuter, comme dans toutes ces méthodes. Aborder les phases les unes après les autres sans souci de durée. Les anciens disaient " pour aller vite, il ne faut pas se presser "...cependant, encore une fois, si ça va vite, c'est parce que les moyens employés sont les bons.

Bernard CHIRIS
Vous vous occupez de chevaux destinés à des usages très divers, que ce soit la course, la compétition, le loisir. Le débourrage est-il le même pour tous ces chevaux ?

Nicolas BLONDEAU
Quelle que soit la race, la spécialité, la discipline du cheval, chaque cheval doivent être débourré avec autant de précautions. Qu'il s'agisse d'un cheval de course de groupe I, qui aura peut être la chance de courir l'Arc de Triomphe, ou un trotteur qui ira au Grand Prix d'Amérique, ou un cheval de concours qui fera les grandes épreuves, ou un cheval de loisir comme d'un cheval d'endurance, tous les chevaux doivent être débourrés de la même façon avec les mêmes précautions, et surtout, devront posséder le même tronc commun. Les chevaux de dressage en particulier devront d'abord être des chevaux d'extérieur. Si le cheval de plat ne verra par la suite pas de dénivelés, de contrebas, ou de gués, il doit déjà avoir conscience et l'expérience des passages difficiles, des trous, des passages d'eau, avant de rentrer dans sa spécialité. Quelle que soit sa discipline, le cheval a donc le même tronc commun avant d'être orienté. C'est un peu les humanités du cheval.

Bernard CHIRIS
Il en est de même pour les cavaliers. On ne peut pas être un cavalier de dressage si l'on a pas vécu en selle ce qu'étaient les changements d'équilibre en tout terrain, l'impulsion, les allures vives. Dans la phase du débourrage, quelle importance accordez-vous à l'impulsion ? Pensez-vous qu'il faille une mise en avant sérieuse ? Quelle est votre approche au niveau de l'impulsion ?

Nicolas BLONDEAU
Moi, je partage tout a fait l'avis du Docteur Pradier, qui a définit l'impulsion: " l'impulsion, c'est le cheval à la disposition du cavalier". Je n'ai rien à ajouter à cela.

Bernard CHIRIS
Nuno Oliveira, et il n'était pas le premier, définissait l'impulsion comme un état d'esprit du cheval. Lorsqu'un cheval est plus avancé, comment envisagez-vous la suite du travail ?

Nicolas BLONDEAU
Aborder un cheval, rentrer dans le boxe du poulain que l'on va débourrer, s'apprêter à lui mettre un filet, à le seller, à le monter, c'est déjà un acte de dressage. Ca doit commencer dans le même état d'esprit. Il n'y a aucune rupture pour moi entre le débourrage et le dressage.

Bernard CHIRIS
Des lors que l'on aborde un cheval ou qu'on le monte, on communique, on éduque. Vous abordez l'étape du montoir dans le boxe, vous montez dans le boxe. Quelle en est la raison ?

Nicolas BLONDEAU
C'est le lieu où le cheval est habitué à vivre, ou s'est habitué à vivre. Pour des raisons de complicité, de proximité, puisque j'interviens seul, il est plus facile pour un cheval de se concentrer sur un seul individu que sur plusieurs. Je le monte naturellement, dans le boxe, puisque je suis en train de lui faire quelque chose qui est devenu pour lui tout à fait naturel, en partant du principe que son père, son grand-père, son arrière grand-père...ont été montés. Je crois que la fonction crée l'organe.

Bernard CHIRIS
Dans le cas ou le cheval offre des résistances et se défend, n'y a-t-il pas un risque important pour le cavalier à débourrer dans le boxe ?

Nicolas BLONDEAU
Absolument pas, puisque le fait de monter n'est qu'une conséquence de la progression et des résultats obtenus par cette progression. Il est hors de question de monter un cheval tendu! Il est hors de question de monter sur un cheval dont les masses musculaires ne sont pas molles! Il est hors de question de monter un cheval qui à priori n'est pas détendu.

Bernard CHIRIS
Vous accordez donc beaucoup d'importance au travail à pied, à la préparation. Personnellement, je travaille beaucoup mes chevaux à pied, quel que soit leur âge, et presque toujours en début de séance. Je m'aperçois lors des stages que j'anime, et avec tous les cavaliers qui viennent se perfectionner à la maison, que les cavaliers sont très demandeurs de travail à pied, dont ils ont souvent aucune notion. Beaucoup ont envie d'aborder ce travail, mais n'osent pas le faire faute de compétences. J'ai entendu tout à l'heure lors de la table ronde que vous animiez que vous accordiez une grande importance à ce travail. Que préconisez-vous comme travail à pied ?

Nicolas BLONDEAU
Les trois quarts, pour ne pas dire les quatre cinquièmes du débourrage du cheval se passent à pied. C'est à pied que tout se prépare. Le principe étant de ne rien avoir à demander a cheval qui n'ait été demandé au préalable a pied. C'est ma conviction, qui est une conviction partagée par d'autres. C'est à mon sens la seule manière de procéder.

Bernard CHIRIS
Votre approche est particulièrement intéressante, et je souhaite à vos élèves de pouvoir la mettre en pratique pour le bien-être des chevaux. Je vous remercie pour votre amabilité.

Entretien réalisé par Bernard CHIRIS lors des "Journées équestres de Montferrat 2007" dans le Var en septembre 2007.

© Chiris 2007

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