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D.D'esmé et B.Chiris

Entretien avec...

DOMINIQUE D'ESME

CHEVAL PASSION Janvier 2007

Championne de France en 1974, 1975, 1976, 1979, 1982, 1983, 1984, 1985, 1987, 1991, 1992, 1994 ; Médaille de bronze par équipe en 1979 du Championnat d’Europe à Aarthus ; Médaille de bronze par équipe en 1995 à Mondorf (Arnoldo*Thor) ; Quatrième place par équipe aux Jeux Olympiques d'Atlanta (Arnoldo*Thor ; ) Coupe de France de dressage 2005 (Roi de Cœur*GFD) ; Vainqueur par équipe de la Coupe des Nations du CDIO** à Saumur en 2004 (Roi de Cœur*GFD)

D.D'esmé

Dominique, dans quelles circonstances avez-vous commencé à monter à cheval ?
Je suis montée à cheval à quatre ans parce que mes parents avaient un grand poney. Je suis montée sans selle pendant cinq ans, j'étais incapable de monter avec une selle. Après, ça a continué, j'ai eu des chevaux très tôt. J'ai eu la chance à neuf ans d'avoir le cheval d'une amie de maman qui était au niveau Saint Georges…J'avais neuf ans.

A neuf ans ?
Oui, elle est partie à Abidjan pour trois ans et elle m'a confié son cheval parce qu'elle ne voulait le donner à personne d'autre…et puis c'est vrai, j'ai eu la chance à neuf ans d'avoir un cheval qui va très bien et qui est très bien dressé, qui fait de jolis changements de pieds. En réalité je n'ai jamais eu qu'un cheval professeur, et après mo-même. J'ai travaillé toujours toute seule.

Comment avez-vous fait à neuf ans pour vous débrouiller avec un cheval de ce niveau là ?
J'ai toujours beaucoup cherché. Même avec mon poney, à quatre ans je cherchais déjà.

Vous n'avez pas eu de maître en particulier ?
Pas du tout. Aucun! J'ai toujours travaillé toute seule, j'ai dressé mes chevaux toute seule. J'ai beaucoup regardé. J'ai passé des heures à Aix La Chapelle à regarder les étrangers travailler. Avoir la chance d'avoir des chevaux et de chercher soi-même, c'est le meilleur professeur…


Vous avez une très longue carrière et un palmarès absolument exceptionnel. Comment faites-vous pour avoir toujours cette envie d'aller plus loin, de recommencer avec de nouveaux chevaux ?

Oh, la foi, c'est la passion des chevaux, le reste…Je veux que les chevaux soient bien et puis c'est tout. Bon, la compétition c'est sûr que c'est un but, parce ce que c'est un jugement au bout d'un travail. Je ne parle pas des jugements en France, mais des jugements à l'étranger. Quand on n'a pas trop de points, on cherche. C'est une remise en cause permanente, journalière, tous les jours….

Et comment gérez-vous le tract, le stress en compétition ?
Je n'en ai jamais eu, jamais. De neuf ans à maintenant, je n'ai jamais eu le tract. Le seul endroit où je me trouve bien, où je me trouve le mieux, c'est sur un rectangle. Ah non, ça je n'ai jamais eu le tract ! J'ai une concentration énorme, c'est sûr. Quand je vois certains cavaliers, des grands, grands cavaliers, qui se libèrent lorsqu'ils entrent en piste, mais qui ont pendant l'heure qui précède un vrai tract, le ventre noué…Je le vois tout de suite ! On peut avoir un peu de stress par l'environnement qui peut provoquer un désordre chez le cheval parce qu'il n'est pas bien dans sa peau, parce ce qu'il y a des faits extérieurs qui le gênent, parce qu'il y a des tas de choses comme ça, mais le stress par rapport à moi, jamais !

Avez-vous des élèves ?
Peu, très peu, parce ce que j'ai beaucoup de chevaux à la maison, six ou sept. J'ai quelques personnes qui viennent en stage, mais relativement peu…J'ai trois filles à la maison, qui montent très bien, dont une en particulier, Bernadette, qui est à la maison depuis vingt-huit ans. Elle me prépare les chevaux, me les détend, vingt minutes à une demi-heure, et moi je les prends ensuite une demi-heure. Il y a un roulement.

Lorsque vous êtes à la recherche d'un cheval, que privilégiez-vous en premier ?
C'est la plus haute galère ! (…rires…)

Mais quels sont les critères qui sont déterminants pour vous ? Qu'est-ce qui vous attire ?
La souplesse ! Parce qu'avec un cheval rigide, on peut faire ce qu'on veut, on ne le rendra jamais souple. On va l'améliorer, mais on ne va jamais le rendre vraiment souple, vraiment élastique. Je pense qu'un cheval qui a mauvais caractère, c'est parce qu'il a ses raisons pour avoir mauvais caractère. Le cheval parfait n'existe pas. J'évite les alezans si possible, parce qu'à chaque fois que j'ai eu des alezans, je ne sais pas pourquoi, je n'ai jamais eu de très bon alezan. Alezan brûlé, j'aime beaucoup… Ce n'est pourtant pas un critère de choix. Non, mais alezan, je suis assez réticente.

La légèreté vous semble-t-elle indispensable ? Fait-elle toujours l'objet de contreverses avec le monde de la compétition ?
C'est complètement dépassé ! Il y a dix ans, les allemands avaient cinquante kilos dans chaque bras et maintenant ils ont cinquante grammes…Dans le chevaux de très haut niveau il n'y a pas un cheval physique, qu'un cheval soit très léger ou qu'il ait de la masse, et il y a de moins en moins de chevaux avec de la masse. Ils sont grands par la taille, mais de plus en plus légers. Il n'y a plus de "tanks" ! Ils ne sont plus physiques maintenant. Les cavaliers veulent les voir terriblement énergiques, avec du gaz et beaucoup de présence et beaucoup d'activité. Un cheval qui n'a pas de sang ne passera jamais au niveau international, même s'il fait tout. S'il n'a pas de sang, il ne passe pas.
D.D'esmé

Quelle importance attribuez-vous au mental du cavalier ? Au mental du cheval ?
Je pense que c'est déterminant, parce ce qu'un cavalier qui a un mauvais mental devient brutal. Quelqu'un qui sait s'adapter à son cheval, et qui sait comprendre le jour où il ne va pas bien, ne va pas mettre tous les chevaux dans le même moule. Comme ça, je pense qu'on ne va pas y arriver. La contrainte, moi personnellement ce n'est pas ma philosophie, et si un jour le cheval ne va pas bien, il ne peut pas nous dire s'il a mal à la tête, s'il est au travail en particulier et si vraiment il peut le faire habituellement. Je ne pense pas que quelqu'un qui n'est pas bien dans sa peau et qui ne va pas bien puisse croire que c'est toujours la faute du cheval. Taper dans le cheval, en faire un punching-ball, ce n'est pas monter à cheval.

Le cheval peut-il faire prendre conscience au cavalier de ses faiblesses, de ses angoisses, de son mal-être, de son manque d'estime pour lui-même ou au contraire de son ego surdimensionné…
Là, je pense qu'il faut une personne extérieure pour lui ouvrir les yeux. Je ne pense pas qu'il y arrive tout seul. Celui qui est brutal et ne veut pas se remettre en question, s'il n'a pas quelqu'un qui le lui dit, il continuera… On beau lui dire ne fait pas ci, ne fait pas ça, cesse d'être brutal, le cavalier ne " l'entend pas "… Il continuera dès que l'on a le dos tourné !

C'est justement le thème de mon dernier livre " S'épanouir à cheval "…pourquoi le cavalier fonctionne-t-il ainsi…Ne pourrait-on pas aider le cavalier par ailleurs à prendre conscience de ce qui se joue en lui ?
C'est vrai, être mieux avec soi-même c'est bien, parce que il y a des gens qui sont capables de se remettre en question tous les jours, qui sont intelligents… Oui mais on voit tous les jours des gens intelligents, avec des responsabilités dans la vie qui n'arrivent pas à évoluer à cheval, même sur des choses simples… Ils se défoulent sur les chevaux !

Pratiquez-vous d'autres activités, d'autres disciplines qui vous aident à être mieux à cheval ?
Non, je fais un peu de natation, un peu de vélo. J'ai fait du ski, mais j'ai arrêté, je ne veux pas me casser une jambe, ça m'est arrivé une fois alors…On se casse une jambe à cheval, ça fait partie des risques du métier…

Et sur le plan de la préparation psychologique, vous faîtes-vous aider ?
Non. Ça permet de parler et de prendre des points aux endroits où on peut les prendre…

Vous vous servez beaucoup de la vidéo ?
Ah oui…oui, tout est filmé. Même aujourd'hui : ce n'est pas mon cheval, mais ça ne fait rien. Après, je me mets toute seule dans un fauteuil…je me remets en question toute seule. C'est là où l'on est le plus exigeant ! Oui, oui, voilà ! Au moins, on est face à ses responsabilités.

Travaillez-vous en musique chez vous ?
Dans les " Kur " on fait d'abord les tracés. Après, je prends un thème et on cherche d'abord les tempos. La chorégraphie, c'est toujours moi, et après j'ai envie de choses et d'autres. Malheureusement les compositeurs maintenant sont assez inaccessibles. Il n'est pas rare de payer 25 000 euros ! Le compositeur de Anky Van Grusven a la réputation de faire d'excellentes " Kur ", il est très demandé… Alors, on puise dans le répertoire et on fait ses petites mixtures à la maison… Voilà, exactement…d'autant plus qu'une musique dure huit ou dix mois.

La musique vous soutient-elle ? Comment le cheval la perçoit-il ?
Ah oui, ah oui… Pour le cheval, ça dépend des chevaux. Il y a des chevaux qui sont très réceptifs et d'autres complètement imperméables; ça c'est très étonnant. Il est des chevaux qui aiment beaucoup la musique, qui ont vraiment envie de travailler dessus, ils ont vraiment envie. Il y a des chevaux qui l'apprennent vite et d'autres qui s'en foutent complètement (…rires…)…

D.D'Esmé

Vous n'avez fait que du dressage ?
Non, j'ai fait beaucoup de complet. J'ai eu " Reims " au début, qui était une jument vraiment difficile avec laquelle beaucoup de cavaliers avaient essayé, s'étaient découragés…J'ai commencé à faire du complet avec elle, et comme elle gagnait toutes les épreuves de dressage, je me suis dit: "pourquoi pas après tout", et j'ai lâché le complet…Elle a fait le championnat de France CSO, et la semaine d'après elle faisait le championnat de France de dressage, à huit jours d'intervalle.

Pensez-vous qu'un cavalier qui ne ferait que du dressage puisse aller vraiment loin en dressage ?
Ca ne va pas l'aider…Je veux dire de ne pas faire d'autres disciplines. Il y a un sentiment de l'abord, un sentiment de l'impulsion, de l'équilibre. Je connais des personnes qui viennent à la maison en stage, qui sont sorties en concours…Les personnes qui ne sont sorties qu'en dressage n'ont pas ce sentiment de propulsion…

Il est vrai qu'en complet on peut risquer sa vie et celle de son cheval, alors que sur un rectangle on ne risque en principe qu'une mauvaise note !
Voilà (…éclat de rire…). Le sentiment d'impulsion est très important, et d'équilibre. Les cavaliers doivent aborder tout cela…

Et vos chevaux ?
J'ai un cheval qui va bien, qui a beaucoup de qualité. Entre les deux j'ai une jument de quatre ans extraordinaire, d'origine danoise, qui a cinq ans maintenant, mais que j'ai eu à trois ans et demi. Je l'ai peu travaillé car depuis qu'elle est arrivée à la maison, elle a pris dix-sept centimètres! Elle mesure un mètre quatre-vingt, je l'ai toisée la semaine dernière. Elle est très légère, très aérienne.

Les grands chevaux demandent-ils plus de travail ?
Non, je ne trouve pas. Ils ont de plus grands rayons et on a plus de facilité à les rassembler. Ma jument a de très grands moyens. Quand je vais commencer à la sortir, ça ne va pas être facile, je pense même que ça va être très difficile…Mais elle très gentille, elle a un équilibre au galop.

Que pensez-vous des Lusitaniens en compétition ?
On les a vu apparaître, on les voit moins en ce moment. Ce sont des chevaux qui sont faits pour le rassembler, faits pour le piaffer et le passage. Ils ont souvent un trot rassemblé où il n'y a pas de rebond. Ils peuvent trotter et allonger très bien, très très bien, avec beaucoup d'amplitude, mais le rassembler n'a pas de rebond, et c'est là où il y a la faille. Ils ont un galop quand même assez court.

Une chose m'a toujours frappée : on voit de très belles allures aux concours de modèle et allures des trois, quatre ou cinq ans, et lorsque ces chevaux ont dix ans, on ne retrouve plus ces allures.
Ils perdent leurs allures parce ce que les cavaliers font piaffer et passager trop tôt. Ils ne pensent qu'à les raccourcir, à les raccourcir…Ce n 'est même plus les rassembler! A partir du moment où les ressorts sont brisés…Il faut penser à s'occuper des ressorts, à les détendre et à descendre les chevaux, ronds et bas. C'est ça le problème. Faire de la gymnastique et garder l'élasticité. C'est vrai, j'ai vu des trois ans qui trottent avec rebond. Le cavalier a toujours le réflexe, avec ces chevaux qui sont toujours bien sortis devant, de raccourcir. Ils n'ont pas besoin de faire ça…Le dos se bloque, se bloque et puis voilà !

Quels sont les objectifs de travail la première année ?
Je ne peux pas vous dire parce que ça dépend de la morphologie du cheval. Certains sont tardifs, d'autres ne le sont pas. On peut très bien commencer à piaffer à quatre ans …Ca dépend vraiment de la morphologie du cheval, du caractère. Je n'ai aucune généralité sur le travail des chevaux ! Avec ma jeune jument, j'ai fait un changement de pied de chaque côté. Ca ne lui a posé aucun problème. Rien ne lui a posé problème. Je la sors, je caresse, on rentre, je la mets au paddock. Je pense qu'il y a des chevaux qui ne sont pas fait pour ça. A partir du moment où on passe en force, on casse…

Vous prêchez un convaincu !
Je vous remercie Dominique pour ces précieux conseils et vous souhaite encore beaucoup de bonheur avec vos chevaux.

Interview réalisée par Bernard CHIRIS - ( Photos Elisabeth Chiris )
Janvier 2007

© Chiris 2007

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